Si l’on ne peut pas radicalement opposer la modalité à la tonalité nous pouvons dire qu’il s’agit d’une conception différente de la musique.
La modalité est déjà présente dans le monde entier bien avant la tonalité. On rencontrait déjà l’emploi des modes au Moyen-âge ou dans les musiques orientales, celtiques…
Cette modalité traditionnelle non tempérée a une construction plutôt horizontale (mélodique) que verticale (harmonique) (facteurs physiques). La musique est monomodale, les gens ne connaissaient souvent qu’un seul mode et n’utilisaient que celui là (contraintes des instruments), l’idée de modalité étant traditionnellement « d’explorer ». Elle joue principalement sur la perception de couleurs, de sensations (nous pourrions dire d’ambiances) d’où l’importance du rythme. Le mode ne pourrait être considéré/entendu totalement comme mode s’il n’avait pas son rythme lui étant lié. C’est une musique qui est également formulaire. L’usage moderne de la modalité s’est ensuite retrouvé chez certains compositeurs classiques (Debussy, Ravel, Messiaen) avec des modes issus du système tonal.
Les sept modes dits « grecs » issus de la gamme majeure : lydien, ionien, myxolidien, dorien, éolien, phrygien, locrien (que l’on peut classer dans l’ordre du cycle des quintes, du plus « clair » au plus « sombre »). Nous pouvons y ajouter les gammes pentatoniques majeures et mineures (modes défectifs).
Les modes issus de la gamme mineure mélodique ascendante
Les modes issus de la gamme majeure harmonique
Les modes symétriques (à transposition limitée) : la gamme par ton (2), la gamme diminuée (3) théorisée par Messiaen.
La modalité dite harmonique n’est donc pas ancienne et n’est pas non plus extraeuropéenne. Elle diffère de la modalité ancienne de par le fait qu’elle soit tempérée permettant de fait de construire des accords à partir de ces échelles modales et utilisée de façon non formulaire. On y retrouve également la notion de polymodalité successive ou simultanée. Certains traités théoriques, comme ceux de Schönberg et Messiaen, évoqueront l’abandon du système d’accord par empilement de tierces au profit de l’utilisation d’harmonie de quartes cassant ainsi le sentiment tonal. La modalité rompt avec le côté « tertial » de la tonalité et fait surtout usage d’accords modaux ayant été construits à partir de n’importe quelles notes du mode. Ainsi les agrégats, les accords en quartes (ex : « So What » de Miles Davis), l’harmonie parallèle, les pédales ou ostinatos (ex : « Voiles » Debussy) se retrouvent souvent dans les morceaux modaux.
Le jazz est traditionnellement une musique non-écrite. Les musiciens de l’époque se sont surtout formés en écoutant mais toujours avec cette habitude de tout vouloir détourner. Des musiciens comme Miles Davis se sont donc retrouvés à écouter Debussy, ce qui les fit arriver à bout du système tonal avec le be-bop. La tradition du jazz voulait aussi que les musiciens soient aussi sans arrêt à la recherche des sons et/ou couleurs les plus « cool » ou « fun » et d’en user et abuser, d’où l’ajout perpétuel d’extensions aux accords, de recherche de nouveaux voicings (ex : superstructures supérieures en triades). Il ne faut pas négliger non plus le rôle important de l’improvisation qui poussa fortement les musiciens à explorer du côté de la modalité harmonique, donnant ainsi une palette de possibilités plus riches. D’un même accord peuvent être déduis plusieurs modes, considérant chaque accord comme une nouvelle tonique. La notion de degré disparait, les accords n’ont plus de « fonction » mais font plutôt office de « couleur » ; autrement dit l’harmonie n’est plus construite sur l’échelle d’un seul mode. L’emploi également de la gamme mineure mélodique ascendante pour former des accords (non productrice d’accords jusqu’alors) est une nouveauté propre au jazz à partir des années 1960. Tellement révolutionnaire qu’elle en devient « cool ». Le fait que le mineur mélodique produise des accords sonne déjà très jazz moderne et est surtout ce qu’il y a de plus anti-classique.
Avec son système lydien chromatique, George Russell explique que l’on peut faire passer n’importe laquelle des douze notes sur un accord donné mais à chaque fois elles sont hiérarchisées. On sait que telle note sonnera plus stable et que telle autre sera quant à elle plus dissonante. Tel un tiroir à épice, son système permet de choisir le niveau de « tension » créé par l’apport d’une note étrangère à la gamme dite parente. Cela permet de conserver en vue la gamme parente et de savoir où l’on en est et donc de pouvoir se promener de manière contrôlée dans sa liste de modes pour enfin « revenir à la maison » et retrouver la stabilité d’origine. Sachant que plus l’on descend dans son classement et plus on s’éloigne du mode stable (« gravité tonale »).
L’idée de George Russell était de partir du mode lydien et de considérer la note fa comme étant le nouveau do. Le mode lydien (aussi appelé le « sur-majeur ») car beaucoup plus stable et constitué d’un enchainement de quintes justes : fa – do – sol – ré – la – mi – si (le fameux cycle des quintes). Il propose ensuite cinq autres gammes lydiennes (c’est-à-dire comportant un IVème augmenté) découlant du mineur mélodique ou du majeur harmonique mais aussi la gamme par ton et les gammes diminuées (ton-1/2 ton et 1/2 ton-ton). Ces six gammes (également productrices d’accords) couvrent l’ensemble des douze notes ce qui explique donc la « visée chromatique » proposée par Russell ce qui va donc à l’encontre des autres théories existantes sur l’improvisation n’admettant sur un accord donné qu’un nombre restreint de notes. En cela la théorie de Russell ne s’inscrit pas dans la lignée des théories musicales habituelles (antérieures ou postérieures) car il s’est également largement appuyé sur ce qu’il a observé dans le réel pour pouvoir construire son raisonnement ; il l’a ensuite théorisé à sa façon. D’autant qu’au fil des années sa théorie a connu quelques « mises à jour » et enrichissement depuis sa première version en 1953 (la première connue étant la deuxième de 1959) jusqu’à la plus récente de 2001 qu’il aurait probablement continué s’il était toujours en vie.
Le metal est un genre musical apparu au début des années 80 puis s’est imposé en 1986 mais tout en restant minoritaire et a depuis toujours gardé un aspect fortement subversif. Divers critiques, des groupes religieux intégristes allant jusqu’aux associations de parents se sont montés contre lui. Il a été qualifié de musique primaire, malsaine, dangereuse ou encore sataniste. D’une manière plus objective et avec une analyse plus approfondie le metal est la musique qui brise les tabous présent dans la société. Il est l’un des rares domaines qui ne prône pas le politiquement correct et qui n’a pas peur de révéler ce que l’on n’ose pas exprimer. Mais d’abord intéressons nous aux origines et aux influences qui ont façonné le metal. Nous verrons ensuite en quoi le metal peut « s’intellectualiser » en allant côtoyer le monde de la musique dite classique.
Nous nous baserons principalement sur le documentaire Metal : A Headbanger’s Journey réalisé par l’anthropologue canadien Sam Dunn et sorti en 2005, sur le livre Black Sabbath La bête venue de Birminghan de Guillaume Roos sorti en 2009 (Camion Blanc), sur le livre L’âge du metal sorti en 2007 (Camion Blanc) écrit par un prêtre catholique, le père Robert Culat également fan de metal, il s’agit d’une étude avancée se présentant sous la forme d’un sondage d’un panel de métalleux français où il commente les résultats obtenus puis dresse le portrait du métalleux type allant à l’encontre de nombreux préjugés.
Aux origines du metal : le son
Si l’on s’intéresse tout d’abord aux origines du metal on ne peut tout simplement pas faire l’impasse sur ses racines puisées dans le blues et les musiques noires américaines. Pour certains, son arbre généalogique serait le suivant : blues -> rock -> hard rock -> metal. C’est un constat indéniable mais si tel est le cas alors le satanisme est présent depuis le début. Le guitariste Robert Johnson qui était une figure du blues avait été soupçonné d’avoir vendu son âme au diable et était ainsi mort jeune à l’âge de 27 ans. Enfin arrêtons nous quelques instants sur le blues et intéressons nous à ce qui fait sa sonorité si particulière. Dans la fameuse gamme blues nous remarquons la présence de ce que nous appelons la « blue note ». Il s’agit de la quinte diminuée, la note se situant à un intervalle de triton avec la tonique. Cet intervalle a connu une très longue histoire remontant au Moyen-Âge, époque depuis laquelle il est très controversé. Il a été qualifié d’intervalle du diable, il était interdit de le jouer. Il semblerait que sa couleur dissonante ait une connotation diabolique et que l’on s’en servait pour appeler la bête.
Le blues et le rock sont également les musiques ayant entrainé la démocratisation de l’amplification du son et par conséquent des guitares électriques puis des basses ayant remplacées les contrebasses jusqu’alors utilisées dans le jazz. La batterie également, instrument important instaurée par le jazz a ensuite pris toute sa place dans le blues et le rock, de Muddy Waters à Elvis Presley en passant par Jimi Hendrix. L’évolution vers ceux qui devinrent les premiers groupes de rock puis de hard rock anglais est donc assez logique. Le guitariste anglais Eric Clapton est, semble t-il, le meilleur exemple pour symboliser cette importation du blues des noirs américains vers les blancs européens qui l’ont ensuite fait évoluer. Eric Clapton se sentait très proche de la culture blues, il était fasciné par la vie qu’avaient eu ces musiciens américains auparavant esclaves. C’est, entre autre, lui qui a ensuite installé les bases du rock et de ce qui allait devenir le hard rock avec The Yardbirbs puis Cream à la fin des années 60. The Yardbirds qui donna Led Zeppelin par l’intermédiaire du guitariste d’alors, Jimmy Page. L’époque 1966-1971 qui vit aussi la naissance des groupes Deep Purple, Blue Cheer et Black Sabbath.
Black Sabbath
Black Sabbath, groupe anglais formé en 1968 à Birmingham par le guitariste Tony Iommi, est considéré comme étant le pionnier du metal, l’instigateur de ce style. Avec le plébiscite de la majorité des musiciens de metal actuels. Ce qui vaudra même au chanteur Rob Zombie de dire « Tous les riffs géniaux ont été écrits par Black Sabbath. Tout ce que les autres font, c’est du plagiat. On le joue différemment, à l’envers, plus vite ou lentement… ».
C’est donc légitimement que Black Sabbath nous intéressera afin de comprendre au mieux les origines du metal, ses inspirations, ses thématiques. Black Sabbath installe ainsi les bases du metal avec ce son lourd et démoniaque, cette ambiance sombre si intimement liés au metal encore aujourd’hui. « Black Sabbath », la chanson éponyme du groupe qui ouvre leur premier album (Black Sabbath, 1970) en est le meilleur exemple avec la surexploitation de ce fameux triton où la guitare grave et puissante de Tony Iommi reproduit les mélodies d’un carillon d’église. La voix terrifiée d’Ozzy Osbourne décrit les visions d’un homme pris au piège sur les lieux d’une messe noire où il assiste, contraint et forcé, à l’apparition du diable.
Relevé des quatre premières mesures du morceau « Black Sabbath ». On distingue bien la présence de la quinte diminué exploitée de la sorte tout au long du morceau. L’effet de répétition presque infinie comme un cycle perpétuel instaure une ambiance malsaine et incantatoire accentuée par le tempo lent. Les trilles frénétiques et nerveuses répondent aux gros accords de puissance plaqués juste avant donnant la sensation d’être en déséquilibre et d’être pris dans un tourbillon pour ensuite retomber droit sur le premier temps de la troisième mesure. Comme le montre la batterie, le rythme s’accélère en passant de noires à des doubles croches, comme des battements de cœur s’accélérants faisant monter la tension pour ensuite redescendre avant de repartir.
Dans une interview tirée du film de Sam Dunn : Metal : A headbanger’s journey, Tony Iommi nous apprend qu’avant de s’appeler Black Sabbath ils étaient un groupe de blues et de jazz (Polka Tulk Blues Band). Le terme heavy metal était méconnu à l’époque et ils se plaisaient simplement à faire de la musique « démoniaque » sans se soucier de savoir ce que cela allait devenir par la suite. La grande majorité des musiciens de metal, toutes époques confondues, sont également d’accords sur le fait que le blues est à l’origine de « tout ». « C’est la musique des opprimés, qui touchait les gens qui avaient besoin d’autre chose ». Ce qui explique probablement le tournant musical majeur du début de la décennie avec Black Sabbath en tête. Les années 70 marquent la fin de l’optimisme des années 60, la fin du rêve hippie. Avec les tragédies du festival d’Altamont, les meurtres de la family de Charles Manson, la crise économique… L’entrée dans cette nouvelle décennie se fait dans la douleur. Tony Iommi décrira lui même sa ville natale, Aston, comme « un trou à rats », un lieu morose entouré de ses usines métallurgiques, sans espoir pour la jeunesse. Ces musiciens venaient essentiellement de milieux pauvres. Ce qui se traduit dans leur musique n’est que le reflet de la société malsaine dans laquelle ils vivaient.Les influences classiques
Parallèlement à ses racines afro-américaines, le metal s’est également développé autour d’un autre grand pilier qu’est la musique dite classique. Ce phénomène de rapprochement avec la musique classique a été beaucoup moins traité et a peu intéressé les musicologues car probablement peu nombreux à avoir un pied dans les deux mondes.
Dans son étude sur le metal, L’âge du metal,le prête Robert Culat interroge ses sondés sur leur ouverture musicale en dehors du metal. Or les résultats révèlent que 42% des sondés écoutent également de la musique classique (en deuxième position après le rock et le punk). Ce sont des résultats qui pourraient surprendre car pour l’opinion publique le metal est souvent perçu comme diamétralement opposé au classique. Le classique serait doux, mélodique et apaisant, le metal violent, brutal et excitant. Le classique serait la musique de l’establishment, des personnes adultes et âgées, des gens bien éduqués et policés, le metal la musique de la rébellion, des adolescents, la musique provocatrice par excellence. Toujours selon Robert Culat, le metal comme la musique classique auraient ce point en commun d’être des musiques élitistes ou minoritaires. « Le metal, comme le classique, demande un effort d’écoute pour être apprécié, ce n’est ni une musique commerciale ni une musique d’ambiance. » De plus le metal peut être à la fois une musique très mélodique et le classique une musique très sombre et puissante. En cela nous pouvons associer le metal et la musique classique qui jouent tous deux sur les orchestrations riches et complexes, les ambiances, les thèmes.
Même avec un nombre d’instruments réduit, le metal tente de donner une impression de puissance imposante tel un mur de son qui se déploierait face à l’auditeur. Ce qui est rendu possible depuis l’amplification et avec l’avancée technologique des saturations de guitare principalement. Cela a pour effet de créer des sons plus riches en harmoniques.
Ci-dessus : Le spectre sonore d’une note de guitare jouée avec de la distorsion. On remarque que sa composition est plutôt riche en harmoniques. Il y a une certaine homogénéité entre les fréquences.
Ci-dessous : Le spectre de la même note de guitare jouée en son clair. On remarque que sa composition est moins riche harmoniquement du fait que les hautes fréquences s’estompent plus rapidement. Ce qui explique l’apport important que la guitare a pu avoir sur la musique. En s’amplifiant son rôle et son utilisation ont changé et elle devient un instrument incontournable et autonome grâce à sa richesse spectrale.
Les basses fréquences sont aussi privilégiées avec l’utilisation d’accordages de guitare et de basse plus bas que d’habitude ou avec l’emploi de guitare 7 cordes (ex : Black Sabbath, Symphony X, Adagio). La batterie peut souvent être apparentée aux timbales de l’orchestre ou à la charge d’un « mastodonte » et contribue à l’effet « mur de son » avec la technique de la double pédale de grosse caisse.
Voici ci-dessus un exemple simple de ce à quoi peut ressembler une partie de batterie réalisant la technique de la double pédale de grosse caisse. Elle se pratique de préférence à des tempos élevés et donne ainsi une impression de bombardement ou de mur de son comme dit précédemment. Elle peut aussi servir à créer des tensions puis des relâchements, phénomène très attirant pour l’oreille.
Cela n’est pas sans rappeler l’orgue ou l’orchestre symphonique et ses nombreux pupitres d’instruments créant des harmonies complexes pleines de tensions. La taille imposante d’un orchestre donne également cet effet majestueux qui touche de près le metal. Il n’est pas anodin que beaucoup d’artistes de metal aient été influencés par la musique orchestrale notamment par Richard Wagner qui a contribué rendre l’orchestre encore plus sombre et imposant par l’ajout de contrebasses, de tubas et même d’octobasse.
Les musiciens de metal allant vers le classique
Lorsqu’une minorité de personnes se disant « satanistes » jette le discrédit sur l’ensemble des métalleux, les musiciens de metal (amateurs ou professionnels) ont pour la plupart un réel niveau technique qui suppose un travail de longue haleine et beaucoup de persévérance. Les exemples sont nombreux aujourd’hui ; nous pouvons voir des musiciens de metal s’inspirer ou reprendre de la musique classique, baroque ou épique. De près ou de loin, le metal va puiser une part de son énergie créatrice dans la musique classique qu’il s’agisse des « rouleaux compresseurs » (comme Black Sabbath ou des américains de Eyes Of Noctum) ou bien des artistes plus lyriques comme les groupes de metal symphonique.
Ce metal dit « néoclassique » a plusieurs représentants, tout d’abord grâce à un génération de guitaristes qui est apparue au milieu des années 80, faisant en quelque sorte renaître le violon à travers leur guitare avec un jeu que l’on qualifie de « shred » (parfois péjorativement et abusivement). Il s’agit d’un metal le plus souvent instrumental. Les meilleurs exemples sont aujourd’hui le guitariste suédois Yngwie J. Malmsteen principalement connu pour son admiration pour Jean Sébastien Bach et la musique baroque, la plupart de son œuvre regroupe des morceaux très inspirés de cette époque, parfois repris mais réarrangé façon metal. Celui qui ouvra la voie fut Ritchie Blackmore qui reprenait déjà du Beethoven avec Deep Purple et Rainbow. Dans cette famille de guitariste nous pouvons également citer Jason Becker qui dans son duo avec Marty Friedman (Cacophony) s’inspiraient beaucoup du violoniste Niccolo Paganini. Les guitaristes français Thomas Bressel, Stéphan Forté et Patrick Rondat en sont aussi les dignes représentants. Beaucoup d’artistes, notamment des groupes de metal symphonique jouent avec une orchestration directement empruntée à la musique classique, c’est le cas des groupes Rhapsody Of Fire (Italie), Dark Moor (Espagne), At Vance (Allemagne), Blind Guardian (Allemagne), Therion (Suède) qui ont repris des compositeurs tels que Carl Orff, Richard Wagner, Antonín Leopold Dvořák, Piotr-Illich Tchaikowsky, Antonio Vivaldi, Ludwig Van Beethoven…
L’appellation metal symphonique est toutefois assez connotée et se rapporte le plus souvent aux groupes à chant féminin comme Nightwish (Finlande), Epica (Pays-Bas) ou Whyzdom (France) où la chanteuse est dotée d’une technique vocale d’opéra et où interviennent également des choeurs immenses. Il arrive maintenant souvent que lorsqu’un de ces groupes sort un album il y inclut deux disques, l’un pour la version metal normale et l’autre souvent appelé « version orchestrale » amputé de la guitare, de la batterie et de la basse.
Naturellement tous ces groupes se différencient les uns des autres, c’est pourquoi il est assez difficile de les classer formellement sous des genres et qu’il y a beaucoup de sous-genres souvent très compliqués à comprendre mais dans un style légèrement différent nous pouvons également citer les groupes de metal néoclassique et progressif Adagio (France) et Symphony X (États-Unis) dont les guitaristes respectifs Stéphan Forté et Michael Romeo contribuent à la fois à rendre hommage aux grands classiques et à s’en inspirer dans leurs compositions.
Nous ne pouvions pas parler de la rencontre du metal et du classique sans évoquer le projet Avantasia de l’auteur-compositeur allemand Tobias Sammet. Il s’agit là d’un opéra metal, l’unique à ce jour.
L’opéra qui est le genre majeur de l’art lyrique, propre à la musique classique, comment peut-il s’allier au metal ?
Ce qu’à fait Tobias Sammet avec Avantasia tient bien du genre de l’opéra, il en a écrit le livret et la musique, il y raconte une histoire. Ce n’est pas un groupe, les musiciens se succèdent et il y a différents chanteurs en costumes pour les différents morceaux. Il s’agit là encore d’un projet unique mais qui montre bien que le metal en plus d’être orchestral est également une musique théâtrale qui joue sur le visuel (décor, pyrotechnie, jeu de scène, grands espaces, costumes…), ce qui n’est pas sans rappeler le groupe de rock Queen qui même sans être du metal avait déjà commencé à intégrer des éléments de lyrisme dans le rock avec des choeurs très travaillés, un jeu de scène et des décors importants, un chanteur doté d’une tessiture de trois octaves et la guitare de Brian May se substituant à un orchestre à elle seule ! Les musiciens de classique allant vers le metal (et la collaboration entre les deux)
Nous avons vu jusqu’à présent que les musiciens de metal mettaient volontiers le pied dans l’univers du classique et y trouvaient même une large source d’inspiration ce qui pouvait probablement étonner l’opinion publique au début. Mais ce qui est peut-être encore moins pensable c’est que l’inverse puisse être possible.
Est-ce que les musiciens de classique sont actuellement capables de passer la barrière du metal ?
Non seulement cela est possible mais lorsque musiciens de metal et de classique se rencontrent cela donne naissance à de nouveaux styles, à de nouvelles façons de concevoir la musique qui n’auraient peut-être jamais existé sans ces combinaisons.
Les exemples d’orchestres symphoniques reprenants des morceaux de rock ou de metal se répandent aujourd’hui mais il se trouve également que ces orchestres se retrouvent à collaborer avec un groupe et à se retrouver sur scène avec eux, ce qui a été le cas de Metallica avec le San Fransico Symphonic Orchestra en 1999 et également de Dream Theater. Le guitariste Yngwie Malmsteen est également connu pour sa participation avec l’orchestre philharmonique du Japon en 2001 où il est seul avec sa guitare tel un violoniste concertiste avec un orchestre derrière lui. Il y joue certaines de ses compositions avec une orchestration exclusivement classique ainsi que certains morceaux classiques/baroques. Ce concert prend entièrement la forme d’un concert de musique classique, donné devant un public ne connaissant pas forcément Yngwie Malmsteen et le metal, à la seule différence que le concertiste est ici un guitariste électrique. L’américain Steve Vai fera la même expérience mais dans un registre plus rock en jouant en interaction avec l’orchestre et sera même amené à composer entièrement une pièce pour orchestre comme le faisait son mentor Frank Zappa. Autre rencontre inattendue, le guitariste français de metal instrumental Patrick Rondat et le pianiste classique Hervé N’Kaoua sortirent un album en 2008 de reprises de pièces de classiques (sonates, concertos, préludes…) arrangées pour piano et violon mais avec cette fois ci encore la guitare électrique à la place du violon. Patrick Rondat expliqua qu’il souhaitait coller le plus possible à la partition du violon c’est à dire en respectant l’articulation des phrases, le détachement de chaque notes, leur durée. Cela lui demanda un travail sur la gestion du son, du gain de l’ampli et surtout de ses doigts. Les exemple comme celui ci sont rares : ici le guitariste devient un véritable musicien de classique sans aucune traces de metal.
En traitant ce sujet il était impensable de ne pas aborder le groupe Apocalyptica. Groupe finlandais composé de quatre violoncellistes tous diplômé de l’académie Sibelius à Helsinki. Il s’agit effectivement de musiciens issus de l’univers classique, ayant suivi une formation classique se composant pourtant comme un groupe de metal et arborent une apparence semblable aux autre groupes et partagent l’affiche de grands festivals de metal avec d’autres groupes. Leur particularité est de reprendre des standards de metal comme par exemple Nothing Else Matters de Metallica en se servant uniquement d’une batterie et de leurs violoncelles et en y ajoutant au besoin des effets de distorsion comme sur les guitares électriques ce qui à la première écoute pourrait dérouter l’auditeur non averti.
Autre exemple assez éloquent, celui du violoniste allemand David Garrett ayant étudié au conservatoire, prodige très jeune il mena une vie de concertiste classique mais il se fit surtout remarquer pour son intrusion dans le milieu du rock voire du metal en reprenant des morceaux accompagné de musiciens de rock sur scène. Il a notamment repris des groupes comme Toto, Nirvana, Metallica, Aerosmith…
Les thématiques et références
Nous partons ici d’un fait bien concret : certains groupes de metal s’inspirent pour le concept de leurs albums d’œuvres littéraires ou cinématographique. Dans son étude sur le metal et les métalleux, Robert Culat s’intéresse à cette question et demande à ses sondés si ces références sont importantes et s’ils peuvent en citer.
Les références littéraires sont prédominantes. Le classement par genres littéraires donne la première place au fantastique (dite aussi heroic fantasy) avec 44 % des citations totales de livres. Le Seigneur des Anneaux de Tolkien vient largement en tête. C’est tout de même paradoxal de constater que c’est un auteur profondément catholique qui est ainsi plébiscité.
Après le fantastique c’est la science-fiction qui l’emporte avec 24 % des citations suivie par les livres d’horreur (13 %) et la philosophie (9 %). L’œuvre littéraire la moins citée étant la Bible avec 2 % des citations. La Bible (9 citations) est plus citée que la Bible satanique d’Anton Lavey (7 citations), incluse dans le genre « philosophie » par Robert Culat.
Après le classement par genre littéraires, regardons maintenant le classement par auteurs. Tolkien vient largement en tête, nous l’avons déjà dit. Après lui c’est Lovecraft qui est le plus cité. Viennent ensuite Baudelaire, Nietzsche, le Marquis de Sade, le Comte de Lautréamont.
Les références cinématographiques viennent en seconde position. Pour les films c’est le genre films d’horreur qui détrône le fantastique avec 33 %. Le fantastique est en deuxième position avec 28 % des citations suivi par la science-fiction (19 %).
Dracula vient en tête des films les plus cités, viennent ensuite L’exorciste, Matrix à égalité avec Orange mécanique et Braveheart.
Pour terminer cette question il convient de donner quelques exemples d’inspirations littéraire et/ou cinématographique chez certains groupes de metal.
Tout d’abord le groupe anglais Iron Maiden, représentant illustre de la NWOBHM (New Wave Of British Heavy Metal). Ce groupe compte certainement parmi ceux qui ont le plus travaillé et soigné leurs références littéraires et cinématographiques en vue des concepts présents dans leurs albums. En voici quelques exemples :
Album Piece of Mind (1983) :
La chanson qui ouvre l’album « Where Eagles Dare » s’inspire d’un roman d’Alistair Maclean qui fut également adapté au cinéma avec Clint Eastwood et Richard Burton.
« Revelations » comporte des vers tirés d’un hymne religieux anglais écrit par G.K. Chesterton.
« Flight of Icarus » s’inspire bien sûr de la mythologie grecque.
Album Powerslave (1984) :
La dernière chanson, « Rime of the Ancient Mariner », est tirée du célèbre poème de Samuel Taylor Coleridge.
Album The Seventh Son of a Seventh Son (1988) :
Le morceau d’ouverture « Moonchild », s’inspire d’une œuvre d’Aleister Crowley, le rituel du « Liber Samekh ».
La chanson éponyme « Seventh Son of a Seventh Son » est tirée du roman d’Orson Scott Le Septième Fils.
Tous ces renseignements proviennent du site internet Maiden Fans
Un autre groupe incontournable de la scène métallique est le groupe de thrash américain Metallica dont voici les exemples de références :
Album Ride the Lightning (1984) :
La chanson « Creeping death » se réfère à la dixième plaie d’Égypte, donc à la Bible mais aussi à la deuxième partie du film Les Dix Commandements.
Album …And Justice for All (1988) :
L’introduction du morceau « The Frayed Ends of Sanity » est tirée du film Le Magicien d’Oz. Elle s’intitule « la marche des soldats des mauvaises sorcières » (« The Evil Witch’s Soldiers »)
Tous ces renseignements proviennent du site internet Metallica – Trapped Under Web
Le groupe allemand Blind Guardian s’inspire des œuvres de Tolkien, principalement Le Silmarillion et Le Seigneur des anneaux. Il en va de même pour les groupes Battlelore (Finlande) et Summoning (Autriche). Ces références se retrouvent également chez Black Sabbath sur leur premier album, dans la chanson « The Wizard » qui raconte la vie d’un sorcier inspiré du Gandalf du Seigneur des anneaux. D’autres préfèrent mettre en musique des sagas épiques où les forces du bien combattent les forces du mal comme le groupe italien Rhapsody Of Fire.
Ces exemples sont là pour mettre en évidence un point qui nous semble capital à rappeler : l’extrême richesse et diversité de la musique metal. Cette musique est puissante, c’est sa caractéristique fondamentale. Sa puissance est bien sûr liée aux instruments de base qui la caractérisent : guitares électriques, basse, batterie, chant. La puissance de la musique metal rime le plus souvent avec son caractère agressif ce qui n’exclut pas du metal la mélodie, bien au contraire puisque l’agressivité n’est jamais aussi bien mise en relief que par une situation de contraste avec des parties mélodiques ce qui se vérifie également dans la musique classique.
D’un point de vue conceptuel le metal ne saurait se concevoir sans une part de provocation, sans un aspect rebelle. Au passage soulignons qu’il y a une manière mature et intelligente de provoquer. La provocation n’est pas forcément toujours « adolescente ». En cela le metal est bien l’héritier du rock et du hard rock. Enfin le metal n’a pas pour vocation d’être une musique à la mode. Tout simplement parce qu’il ne fait pas des musiques dites easy listening. Pas plus que le jazz et la classique ne sont des musiques à la mode. Le chanteur et réalisateur Rob Zombie disait lui même : « Ce que j’adore dans le metal, c’est que même si c’est énorme, plein de gens ignorent son existence ».
Le groupe de rock britannique Queen a été formé en 1970 par le guitariste Brian May, le batteur Roger Taylor et le chanteur Freddie Mercury rejoints par le bassiste John Deacon en février 1971. Ainsi était constituée la formation originelle de Queen durant les deux décennies de vie du groupe.
Aujourd’hui respecté par de très nombreux artistes allant du classique au metal, le groupe est souvent rangé sous la catégorie commerciale « pop » à défaut de pouvoir les assimiler complètement aux autres groupes de rock. Cependant leur musique a toujours été caractérisée par ses orchestrations complexes et ses chœurs importants associés à l’énergie du rock, lui donnant un aspect théâtral et opératique, influençant de nombreux groupes.
Si l’on veut s’intéresser à l’évolution du son et du style du groupe, nous pouvons distinguer trois grandes périodes dans la vie de Queen.
I . Les années 1970 – 1979
À leurs débuts et durant la période des années soixante-dix Queen ne répond pas tout à fait aux codes du groupe de rock standard de l’époque avec riff de guitare prédominant.
Le son du groupe était de par son origine déjà très particulier, en effet, Brian May jouait sur une guitare qu’il avait fabriqué lui même à l’âge de 16 ans avec l’aide de son père avec des matériaux de récupérations n’étant pas en mesure de s’offrir la Fender Stratocaster qu’il convoitait. Le bassiste John Deacon quant à lui avait bricolé un petit amplificateur à pile à l’aide d’élément trouvés dans une benne à ordures ; cet amplificateur sera utilisé plus tard par Brian May pour enregistrer certains de ses solos en studio donnant d’ores et déjà une coloration sonore très personnelle au groupe.
Freddie était doté d’une tessiture de 3 octaves, il était également fasciné par le monde de l’opéra. Brian et Roger étaient également des chanteurs accomplis (John ne chantait pas) effectuant très souvent des harmonies vocales avec Freddie donnant un aspect beaucoup plus dramatique à la musique. Ils passaient beaucoup de temps en studio à enregistrer leur voix afin d’épaissir le chœur et lui ajouter des couleurs. Sur le morceau « Bohemian Rhapsody », sorti en 1975 sur l’album A Night At The Opera, ils passèrent plus de trois semaines en studio rien que pour enregistrer les chœurs de la partie centrale du morceau afin de sonner « comme cent personnes ». Roger était reconnaissable à sa tessiture très aiguë. La chanson « Liar », sortie en 1973 sur leur premier album Queen, intègre également un passage faisant penser à du gospel avec la même phrase répétée par le chœur en réponse au chant principal. Leur musique reprenait autant d’éléments au monde de la comédie musicale qu’au rock ce que d’autres appelleront également « opéra rock ». Il n’était pas rare de voir le groupe reprendre certains standards de Broadway tel que « Big Spender » dans une version plus rock. Freddie était à l’origine de nombreux morceaux au piano ayant chacun une ambiance très différente comme le fameux « Killer Queen » (Sheer Heart Attack, 1974) aux allures de vaudeville ou comme « Seaside Rendez-Vous » (A Night At The Opera, 1975) nous plongeant dans une ambiance de l’Amérique des années vingts. En concert Freddie avait donc de nombreux morceaux où il chantait assis au piano sur un côté de la scène. L’influence de Freddie ne s’arrêtait pas au seul domaine musical, il accordait également une grande importance à l’aspect visuel comme le jeu de lumières en live et aux costumes de scène. C’est en cela qu’au début des années soixante-dix le groupe arborait des tenues aux allures royales, « guignolesques » surtout Freddie avec ses gants noirs, ses bijoux ou ses justaucorps de danseur étoile avec ses chaussons de danse, accentuant le côté théâtral. Freddie insistait beaucoup sur le fait qu’il ne faisait qu’incarner un personnage. Pensant que Queen avait besoin d’un emblème symbolique et représentatif, quelque chose que les gens pourraient associer à eux facilement, aussi, il commença à en créer un. Il avait plusieurs idées, toutes basées sur leurs signes du zodiaque. Brian était cancer, Roger et John tous les deux Lion et Freddie était vierge. Il dessina un écusson représentant deux lions portant un « Q », auquel il ajouta une couronne, un crabe et deux fées pour la vierge. Le tout était dominé par un énorme phœnix, symbole d’espoir.
Le rôle de la guitare de Brian May est lui aussi intéressant à étudier. La guitare fait souvent quelques interventions mélodiques succinctes tout au long des morceaux plutôt que des solos à proprement parler. Et lorsqu’il y a solo, il est souvent écrit et très mélodique faisant contraste avec les solos à sonorité très pentatonique, blues habituellement improvisés. Brian May essayait souvent de substituer sa guitare à ce qui pourrait être un pupitre de cordes en enregistrant souvent les mêmes parties mais en les harmonisant arrivant à superposer de cette façon quatre ou cinq guitares dans certains cas ; technique qu’il employait souvent dans ses solos ; le morceau « Lazing On A Sunday Afternoon » (A Night At The Opera, 1975), en est un très bon exemple. Lors des accompagnements il pratiquait également le jeu note à note dans les graves au lieu de jouer constamment en accords dits de puissance (tonique + quinte), tenant un peu plus le rôle d’un violoncelle intervenant de manière plus nuancée (« Bohemian Rhapsody »). Brian May travaillait également beaucoup sur sa sonorité, essayant souvent de reproduire le son d’autres instruments, un ocarina dans « Good Company » (A Night At The Opera, 1975), un cuivre dans le solo de « I Want To Break Free » (The Works, 1984), des miaulements de chat dans « Delilah » (Innuendo, 1991).
Ils faisaient aussi souvent usage d’instruments autres que les standards guitare, basse, batterie et piano. Ainsi dans leurs premiers albums nous pouvons y entendre du clavecin, du banjo, du ukulélé, de la contrebasse, de la harpe ainsi que divers petits pianos en jouet. Jusqu’à la fin de la décennie tous les albums de Queen porteront même la mention « No synths » servant à certifier qu’aucun synthétiseur ne fut utilisé pour l’enregistrement.
Il y aura pourtant quelques exceptions avec certains morceaux purement hard-rock signés Brian May comme « Stone Cold Crazy » ou « Keep Yourself Alive » même si l’on y retrouve toujours le jeu très mélodique de May notamment dans ce dernier avec son solo harmonisé à cinq guitares. Vers la fin des années soixante dix Queen délaissa petit à petit les morceaux plutôt progressifs et psychédéliques. Notamment avec le succès de morceaux tels que « We Will Rock You » ou « We Are The Champions » (News Of The World, 1977), beaucoup plus simple à passer en radio, leur popularité grandit au point de toucher même ceux qui ne connaissaient pas encore Queen.
II. Les années 1980 – 1986
À l’entrée dans les années quatre-vingt Queen a déjà dix ans d’existence et est connu à travers le monde. Leurs tournées se multiplient et jouent dans des endroits de plus en plus grands. Leurs tubes « We Will Rock You » et « We Are The Champions » sont devenu de véritables hymnes dans les stades de football et Queen installe une certaine réputation de groupe taillé pour les stades. Ils délaissent le côté psychédélique, les paroles aux thèmes mythologiques et les costumes extravagants. Leurs compositions se font plus rock, plus efficaces et plus faciles à reprendre pour le public. Les compositions au piano se font plus rares dans ces années là et également lors de leurs concerts où Freddie réduit au minimum le nombre de morceaux qu’il doit chanter assis qui selon lui l’empêchent de bouger et d’arpenter la scène toujours plus grande. Le concert donné à Montréal en novembre 1981 marque bien cette transition entre les années soixante dix et quatre-vingt, la première partie comprend encore un certain nombre de morceaux au piano plus intimistes et la seconde partie comprend des morceaux plus rock où Freddie peut occuper tout l’espace. Il s’agira également de l’un des derniers concerts où Queen ne fera pas appel à un musicien additionnel jouant du clavier ou de la guitare.
Les synthétiseurs commencent à faire leur apparition sur l’album The Game (1980) et deviendront ensuite monnaie courante sur le reste de leurs albums. La musique de Queen prend également un tournant « funk » avec The Game et Hot Space (1982) avec des morceaux à la ligne de basse prédominante : « Dancer », « Back Chat », « Another One Bites The Dust », qui se classa numéro un des charts rock, soul et disco durant cinq semaines aux États-Unis, ou « Staying Power » et « Cool Cat ». Les concerts de Queen se transforment en véritable spectacle sons et lumières, Freddie sollicitant souvent le public à participer lors de vocalises en question/réponse. Il prendra même la guitare dans un morceau directement inspiré d’Elvis Presley « Crazy Little Thing Called Love » (The Game).
En 1981 Queen effectua une très longue tournée en Amérique du sud jouant dans les stades parmi les plus grands du monde comme le Morumbi Stadium à Sao Paulo devant 131 000 personnes. Ils furent également en tête d’affiche du festival « Rock In Rio » et y jouèrent deux soirs, le 12 et le 19 janvier 1985 devant près de 250 000 personnes chaque soirs. Avec des morceaux tels que « Radio Ga Ga » et « I Want To Break Free », sortis sur leur album The Works (1984), le public est facilement incité à participer et à frapper dans les mains comme une seule et même personne sur le refrain de « Radio Ga Ga » ou de reprendre en chœur le refrain de « I Want To Break Free » semblable elle aussi à un hymne très rassembleur.
La prestation de Queen lors du concert du Live Aid le 13 juillet 1985 au stade de Wembley sera quant à elle copieusement louée par la critique, prétendant qu’ils avaient volé la vedette aux autres artistes ce jour là, prouvant une fois de plus que la scène était la grande spécialité du groupe. Ils déclaraient effectivement eux même que la scène leur permettait de donner toute l’envergure à leurs morceaux et qu’ils ne cherchaient surtout pas à reproduire les disques. Leurs concerts étaient aussi souvent propices aux improvisations instrumentales et aux medleys de reprises de vieux standards du rock & roll.
En 1986, à la sortie de leur album A Kind Of Magic,ils entamèrent une très grande tournée européenne principalement dans des stades ou des lieux à la capacité importante. Cette tournée marque le point culminant du groupe, elle est celle qui le caractérise le mieux en tant que « groupe de stade ». Ils reprendront un de leur ancien morceau « In The Lap Of The Gods… Revisited » dans une version différente, qui commence plutôt calmement avec une nappe de clavier et quelques accords de guitare, puis qui monte en puissance progressivement jusqu’au refrain. Freddie n’est plus au piano, le chant est beaucoup plus puissant, il créé beaucoup plus de tension en montant dans les aigus et le public est invité à reprendre le refrain en chœur. Beaucoup de leurs morceaux sont réarrangés pour la scène et s’éloignent beaucoup de la version basique de l’album (« Another One Bites The Dust », « Crazy Little Thing Called Love »). Cela demandera parfois l’apport d’un musicien additionnel jouant les claviers ou la guitare rythmique sur certains morceaux.
III. Les années 1987 – 1995
La tournée de 1986 sera la dernière de Queen et le groupe ne refera plus de concert dans sa formation originelle après la date du 9 août à Knebworth. Les années suivantes marqueront une nouvelle ère dans la musique et dans la vie du groupe.
Durant les années 1987-1988 Queen ne travaille pas sur un nouvel album mais les membres partent chacun de leur côté s’occuper de leurs différents projets musicaux parallèles. À cette occasion Freddie Mercury collaborera et sortira un album intitulé Barcelona avec une très célèbre soprano espagnole, Montserrat Caballé, ce qui représentait un rêve pour lui. Freddie vouait depuis son enfance une admiration au monde de l’opéra et du chant lyrique, il le confirmera par cet album le montrant à l’œuvre dans un style que peu lui connaissaient.
Cette période correspond également à la déclaration de la maladie chez Freddie Mercury qui était atteint du sida. En 1989, à la sortie de leur album The Miracle,ils déclarèrent ne pas vouloir le faire suivre d’une tournée afin, selon eux, de rompre avec le rythme album/tournée devenu répétitif. Freddie montre en réalité des signes de faiblesses et se sait condamné, la musique du groupe s’en fera plus que ressentir rompant avec leur style des six ou sept dernières années.
Dans ces années là, Queen opère un changement de style tout en effectuant une sorte de retour aux racines ; se rapprochant plus de l’esprit de leurs deux premiers albums avec quelques morceaux plus longs, plus sombres, plus dramatiques, lyriques, planants. La guitare revient avec ses subtiles interventions mélodiques et ses accompagnements en arpège et en note à note visant à enrichir le spectre qu’elle occupe. Le son y est cependant plus moderne et plus mature qu’aux débuts de Queen. Leurs morceaux ne sont plus autant teinté de cette couleur blues ou rock & roll que l’on pouvait y trouver, que d’autres qualifiaient de « pop » ou de musique commerciale. L’album Innuendo (1991), sonne presque comme un album de heavy metal éclectique assez difficile à définir mais avec certains morceaux progressifs voire épiques. La maladie de Freddie a pour beaucoup conditionnée la réalisation de l’album ; les thèmes abordés y sont, pour certains, plus pessimistes (la nostalgie, la folie…). Freddie chantait avec ses dernières forces et sa voix était beaucoup plus puissante et agressive comme sur « The Hitman » aux sonorités très heavy. Le morceau éponyme « Innuendo » puissant et épique, marque bien lui aussi ce changement avec des roulements de tambour en introduction ainsi que des accords diminués au clavier. Le jeu de la guitare est aussi plus moderne sur certains solos en étant beaucoup plus fourni techniquement, en alternant des tirées avec des notes vibrées, des passages très rapide joués en aller-retour créant une tension supplémentaire.
Freddie Mercury décédera en novembre 1991 des suites de sa maladie. Les membres restants rassemblèrent quelques un des derniers enregistrements de Freddie afin de sortir l’album Made In Heaven en 1995. L’ambiance générale de l’album rompt elle aussi avec la période 1980-1986 et constitue une sorte de suite à Innuendo mais sans l’aspect heavy. Les morceaux sont beaucoup plus planants avec de longues nappes de clavier (malgré la ligne de basse très groovy de « You Don’t Fool Me ») ainsi que les solos de guitare très mélodiques et réverbérés. Il n’y a plus le côté spectaculaire et festif que l’on retrouvait dans les années quatre-vingt. Cet album fait office d’épilogue à la discographie de Queen et tend à évoquer la disparition de Freddie par des morceaux à tendance plus tristes, traitant de la vie, de la mort, de l’au-delà.
IV. L’influence de Queen
De par la diversité des genres qu’ils ont abordé, Queen a souvent été cité comme influence de nombreux artistes aussi bien dans le classique que dans le rap ou le metal et d’autres. Parmi ceux là nous pouvons citer : Guns N’Roses, Michael Jackson, Metallica, Dream Theater, Extreme, Kansas, Steve Vai.
En mars 2010, le magazine américain Guitar World interrogea trente guitaristes parmi les plus célèbres afin qu’ils citent eux même leur guitariste préféré. Steve Vai cita Brian May, voici ce qu’il dit :
« Je ne pense pas que tout a été dit à propos du génie de Brian May, dans le sens où il est transcendé par la grandeur de la musique elle-même. L’album Queen II est l’un de ceux qui m’a le plus impressionné. Il est probablement l’un des meilleurs guitaristes et encore plus facilement identifiable que Beck, Page et Clapton. Ils sont tous très identifiables, mais Brian May possède une sonorité si particulière dans sa tête et dans ses doigts. Cela en dit long. Sa contribution à la guitare orchestrée est sans précédent. Il n’y avait rien de tel avant lui. Pour moi, c’était comme quand Edward Van Halen est venu et a transformé le son de la guitare électrique. C’est ce que j’ai entendu dans le jeu de Brian May. Je me souviens lorsque je travaillais avec Frank Zappa, personne ne me connaissait, j’avais vingt-et-un an. Je suis allé au Rainbow Bar & Grill et Brian May était là. Je ne pouvais le croire. Je rassembla mon peu de courage, m’approcha et lui dit : « Je vous remercie pour tout ce que vous avez fait. Je joue de la guitare, je suis ici en ville avec Frank Zappa. » Il a dit « Vraiment ? Pourquoi ne pas venir assister à notre répétition ? »
Je suis venu et il m’a fait monter sur scène avec lui. Il m’a laissé jouer de sa guitare, celle construite avec son père la « Red Special ». Je ne pouvais même pas croire que je touchais cet instrument. Il était si gentil avec ce gamin que j’étais pourtant. Et j’ai joué de la guitare, ça sonnait comme du Steve Vai. Puis quand il a joué ça sonnait comme du Brian May. Il est évident pour moi que le son est avant tout dans la tête et dans les doigts. C’est une personne qui a la classe humainement et cela se voit dans son jeu. Je peux écouter n’importe quel guitariste et réussir à imiter son jeu mais je ne peux pas faire de Brian May, il joue tout simplement dans une autre catégorie. »
Brian May influença quant à lui un bon nombre de guitariste tels que : Eddie Van Halen, John Petrucci, Joe Satriani, Nuno Bettencourt, Slash, Paul Gilbert.
Les reprises de Queen par d’autres artistes sont nombreuses elles aussi. En décembre 1981, le chef d’orchestre Louis Clark dirigea le Royal Philharmonic Orchestra au Royal Albert Hall à Londres donnant un concert de musiques de Queen réarrangées pour orchestre en version classique. Ce ne fut pas l’unique expérience du genre. De nombreux guitaristes classiques ont également arrangé des morceaux pour guitare seule en disant que la musique de Queen s’y prêtait bien car elle était par essence très orchestrale et harmonique.
Dans le milieu du rap, les rappeurs Wyclef Jean et Sugar Daddy ont chacun réutilisé des samples de la chanson « Another One Bites The Dust ». Dans le milieu du metal, des groupes comme Dream Theater, Blind Guardian, Metalium, Metallica ont repris des morceaux de Queen insistant sur le côté « metal » contribuant ainsi à rendre très actuels des morceaux souvent parus il y a quarante ans.
Exemples musicaux à écouter
Années 1970 – 1979
Queen (1973)
1. Keep Yourself Alive
2. Liar
Queen II (1974)
3. The March Of The Black Queen
4. Ogre Battle
Sheer Heart Attack (1974)
5. Tenement Funster
6. Flick Of The Wrist
7. Lilly Of The Valley
8. Killer Queen
9. Bring Back That Leroy Brown
10. Stone Cold Crazy
11. In The Lap Of The Gods… Revisited
A Night At The Opera (1975)
12. Bohemian Rhapsody
13. Lazing On A Sunday Afternoon
14. Seaside Rendezvous
15. Good Company
16. Prophet’s Song
17. God Save The Queen
A Day At The Races (1976)
18. The Millionnaire Waltz
19. Good Old Fashioned Lover Boy
News Of The World (1977)
20. Spread Your Wings
Années 1980 – 1986
The Game (1980)
21. Another One Bites The Dust
22. Crazy Little Thing Called Love
Hot Space (1982)
23. Back Chat
24. Cool Cat
25. Dancer
Live At Wembley (1986)
26. In The Lap Of The Gods… Revisited (live)
27. Impromptu
28. I Want To Break Free (live)
29. Hammer To Fall (live)
30. Radio Ga Ga (live)
Années 1987 – 1995
Barcelona (1988)
31. The Golden Boy
32. Guide Me Home
The Miracle (1989)
33. Was It All Worth It
34. I Want It All
Innuendo (1991)
35. Innuendo
36. The Hitman
37. Ride The Wild Wind
38. I’m Going Slightly Mad
39. Delilah
40. The Show Must Go On
Made In Heaven (1995)
41. You Don’t Fool Me
42. Mother Love
43. Heaven For Everyone
44. It’s A Beautiful Day
45. It’s A Beautiful Day (Reprise)
Reprises de Queen
Metalium – Nothing To Undo – Chapter Six (2007)
46. The Show Must Go On
Blind Guardian – The Forgotten Tales (1996)
47. Spread Your Wings
Metallica – Garage Inc. (1998)
48. Stone Cold Crazy
Dream Theater – Black Clouds & Silver Linings (2009)
49. Tenement Funster / Flick Of The Wrist / Lilly Of The Valley (Queen Medley)
Royal Philharmonic Orchestra – Classically Queen (1981)